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Les jardins musicaux de Cernier

Par Matthieu Chenal le 16.02.2012 à 12:39En Suisse, la modernité artistique a souvent germé au cœur même de l’espace rural, alors qu’on l’associe davantage à l’urbanité débridée. Un siècle après la Grange sublime de Mézières, c’est au tour de la Grange aux concerts de Cernier, dans le Val-de-Ruz, de cristalliser une folle envie de modernité.

En Suisse, la modernité artistique a souvent germé au cœur même de l’espace rural, alors qu’on l’associe davantage à l’urbanité débridée. Un siècle après la Grange sublime de Mézières, c’est au tour de la Grange aux concerts de Cernier, dans le Val-de-Ruz, de cristalliser une folle envie de modernité. Dans un cadre bucolique, le festival des Jardins musicaux régale ainsi depuis quinze ans les mélomanes les plus curieux en réinventant à sa manière les chefs-d’œuvre du répertoire signés Mahler, Messiaen, Brahms, Britten ou Chaplin, et en inventant ceux d’aujourd’hui, sous la plume de Marc Ribot, Heinz Holliger ou Jonas Kocher.

Un des spectacles emblématiques de cet esprit novateur a été conçu par le duo pianistique des sœurs Bahar et Ufuk Dördüncü. Créé à Vevey en mai dernier, il remonte aux sources de la modernité avec pour fil rouge les trois plus célèbres chorégraphies de Vaslav Nijinski pour les Ballets russes de Diaghilev: L’après-midi d’un faune et Jeux, de Debussy, et Le sacre du printemps, de Stravinski. En reprenant, en 1912, la musique du Prélude à l’après-midi d’un faune, de Debussy, Nijinski rompait brutalement avec les codes de la danse classique, tandis que la partition sensorielle et mouvante de Debussy, inspirée par Mallarmé, ouvrait par magie un nouvel univers à la musique. Ravi du succès un brin scandaleux de cette création, Diaghilev commanda à Debussy son ballet Jeux, beaucoup plus avant-gardiste que le Faune, mais qui fut éclipsé par la création, quinze jours après, du Sacre du printemps d’un tandem Stravinski-Nijinski encore plus révolutionnaire.

Intitulé La scène révoltée, le «concert visuel» des sœurs Dördüncü raconte cette année charnière 1912–1913 à Paris à travers un regard contemporain et les transcriptions pour deux pianos de ces chef-d’œuvre. Le spectacle a pris forme grâce à l’historien du théâtre Mathieu Menghini, au récitant Jacques Probst et au cinéaste Fabrice Aragno. La pianiste Bahar Dördüncü en raconte la genèse: «Avec ma sœur, nous voulions célébrer les 150 ans de Debussy et les 100 ans de la création du Sacre, et nous avons demandé un texte à Mathieu Menghini autour de ces trois ballets. C’est lui qui a eu l’idée d’habiller la scène avec des images en pensant à Fabrice Aragno, le bras droit de Jean-Luc Godard. Fabrice a fait un travail incroyable, superposant des archives chorégraphiques et des actualités, associant même le Printemps arabe au Sacre. Ce mélange des arts nous a énormément inspirées. On ne va certainement pas s’arrêter là!»

http://journal.24heures.ch/archives/divers/jardins-musicaux-cernier-2012-02-16

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