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«Le Sacre du printemps» en images
Julian Sykes
Les sœurs Dördüncü, un duo de pianistes, se sont associées au cinéaste Fabrice Aragno pour un spectacle bâti autour de l’œuvre culte de Stravinski. Un concept audacieux malgré ses limites
A ce jour, Le Sacre du printemps de Stravinski est toujours aussi percutant. Pour évoquer le centenaire de l’œuvre qui s’approche (elle fut créée en mai 1913), les sœurs Ufuk et Bahar Dördüncü ont conçu un spectacle intitulé La Scène révoltée. L’idée? Jouer Le Sacre à deux pianos, précédé du Prélude à l’après-midi d’un faune et de Jeux de Debussy, tandis que des images du cinéaste Fabrice Aragno défilent sur un grand écran placé derrière elles. Un concert donné mercredi soir au Studio Ansermet à Genève et organisé par les Swiss Chamber Concerts.
Fabrice Aragno ne cherche pas à coller à l’argument des ballets. Il échafaude sa fresque filmique sur de larges séquences tirées de la reconstitution des chorégraphies de Vaslav Nijinski, créées en 1912 et 1913. Il y superpose toutes sortes d’images: archives historiques, paysages de nature, tableaux picturaux, séquences tournées par lui-même dans un joyeux patchwork… Dans le Prélude à l’après-midi d’un faune, on y voit des paysages verts et sous-bois (comme dans le poème de Mallarmé), des éclaboussures d’eau marine sur des rochers; la silhouette du faune apparaît par intermittence comme dans un rêve – une judicieuse idée en dépit du côté kitsch de certains plans visuels. Dans Jeux, les séquences d’images s’enchaînent de manière trop décousue (même si certaines sont évocatrices) pour convaincre pleinement.
Le Sacre est le volet le plus réussi. Les gestes stylisés des danseurs de la chorégraphie de Nijinski, les images d’archives tirées du Printemps de Prague et d’autres événements historiques illustrent très bien une idée de la répression inhérente à la musique (l’aspect du sacrifice). Les télescopages d’images sont tour à tour réussis et alambiqués (ce défilé de mannequins soumises aux diktats de la mode et la vierge soumise au sacrifice). Un concept audacieux malgré ses limites. Quant aux sœurs Dördüncü, elles parviennent à rendre la beauté des partitions même en l’absence de l’orchestre ( Jeux aux reflets miroitants). Le poème L’Après-midi d’un faune de Mallarmé, lu par Viviana Aliberti en intermède, apporte une jolie touche d’intimité. Tout le texte n’est pas intelligible (la langue est complexe!), mais c’est la musique des mots qui prime.
http://www.letemps.ch/Page/Uuid/ac547b52-26b8-11e2-9b67-bd47f00dcae2#.UZH0uLWeN8E